10 janvier 2013

L'exception financière française (Maraval)


Quand on présente des comptes tronqués : exploitation en salle sans la seconde vie des films sur d'autres supports qui prennent de plus en plus d'importance par rapport à la projection en public (TV, DVD, VàD), en oubliant l'exportation différée (en particulier pour les films commerciaux à gros budget), c'est sûr que ça fait peur.
Mais si Maraval (Le Monde; 28 décembre 2012) n'était pas aussi sournois, il dirait que 17 films ont réussis à se rembourser dès la sortie en salle! Et que pour les autres, ils finiront de se rembourser grâce aux passages TV, à la vente en vidéo (puisque les spectateurs consomment davantage de chez eux qu'en salle)...
Comment un professionnel de la profession ose fabriquer de toute pièce une situation de crise sur-dramatisée? Il sait très bien comment ça fonctionne, que les gros films ne pompent pas les caisses du CNC, que l'exploitation en salle n'est qu'une fraction des recettes, que l'économie du cinéma indé américain n'est pas l'équivalent du blockbuster français... Pourquoi mentir? et dans Le Monde qui plus est!
C'est comme de se plaindre que l'Airbus A380 ne s'est pas remboursé à la première commande, qu'un nouveau journal doive fermer les portes dès qu'un numéro est déficitaire...
Et puis un film c'est pas un yaourt! On ne fait pas du cinéma pour faire des grosses marges de profit... c'est un bien culturel avant tout! En France plus qu'ailleurs. On ne peut pas prévoir si un film va rencontrer un succès public, même si le projet est parfait sur le papier. Si on refuse de prendre des risques, d'essuyer des échecs et des dettes, il faut placer son argent dans un autre secteur économique!
Certains films deviennent célèbres, voire culte, des années ou des décennies après une sortie désastreuse... Il faut avoir confiance en l'art, et donner leur chance aux réalisateurs même si la fortune ne sourit pas instantanément.

Si il n'y avait que des succès, le système français serait suspect... une odeur de pensée unique ou de lavage de cerveau totalitaire. C'est bien parce qu'il y a quelques navets, quelques flops que ça prouve que le CNC donne sa chance à tous, pas uniquement à des vainqueurs  à des paris gagnants, des investissements à revenus garantis. Mais qui sont ces naïfs qui s'étonnent des risques et des incertitudes???

Offrir un soutient financier à un scénario, avant que la première image soit tournée, c'est un pari. Et si les banques ne prétaient qu'après projection du film fini, aucun film ne se monterait jamais! Soyons réaliste. Produire un film est encore plus difficile que de publier un livre. L'éditeur doit juger du potentiel de lecteurs pour un manuscrit fini, le producteur de cinéma doit parier sur le public potentiel, et en plus sur ce qu'un scénario peut donner après tournage. C'est un problème d'imagination, et de confiance.

Même si on éliminait le soucis d'argent, le succès d'un film à budget illimité reste précaire et incertain... Et, seuls les films qui ont été financés ont la moindre chance de devenir un succès populaire ou un chef d'œuvre critique, sinon le tournage n'aura pas lieu et personne ne les verra jamais!

Et puis les salaires mirifiques, ça ne regarde qu'un infime partie de l'iceberg. Les grands spectacles commerciaux qui ne finissent ni aux Césars, ni à Cannes... Alors pourquoi la profession entière du cinéma devrait se remettre en cause quand une poignée de films bling-bling se plantent une année?

C'est marrant, l'an dernier il n'y en avait que pour The Artist et Intouchables... l'incarnation du succès français. Un an plus tard, tout est oublié, on pleure au premier film déficitaire comme si le cinéma français n'avait pas gagné d'argent depuis 30 ans. Encaissez un peu et attendez quelques années avant de crier à la banqueroute.




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